PLATONISME MÉDIÉVAL

PLATONISME MÉDIÉVAL
PLATONISME MÉDIÉVAL

PLATONISME MÉDIÉVAL

La question du platonisme médiéval étant particulièrement complexe, il faut dire d’abord selon quels partis pris elle est ici traitée. En premier lieu on rangera sous le nom de «platonisme» toute doctrine, d’ensemble ou même de détail, qui se fonde en dernière instance sur les œuvres des auteurs que l’Antiquité tardive et les médiévaux appelaient platonici («platoniciens»), ce qui inclut le néo-platonisme. En deuxième lieu, le platonisme ainsi défini s’étant développé au Moyen Âge dans plusieurs domaines, non seulement latin, mais aussi byzantin, juif, arabe (avec des relations réciproques), on se borne ici au premier, ne citant les autres que par référence à lui. Enfin, on prend comme terminus a quo l’époque carolingienne.

Les sources du platonisme médiéval sont nombreuses. 1o De Platon lui-même, les médiévaux pouvaient lire en traduction latine une moitié environ du Timée , avec un commentaire de Calcidius (IVe s.); au XIIe siècle, Henri Aristippe traduit le Ménon et le Phédon . 2o Des œuvres de divers auteurs grecs chrétiens de tendance platonicienne sont alors accessibles dans des traductions latines (par exemple, Origène, Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze, Némésius); au IXe siècle, Hilduin puis Jean Scot traduisent les œuvres de «Denys l’Aréopagite», corpus qui date du début du Ve siècle et dépend de Proclus; notons au XIIIe siècle les traductions par Guillaume de Moerbeke des Éléments de théologie de Proclus et de son Commentaire sur le Parménide . 3o Un certain nombre de données relatives au platonisme passent à travers les traductions d’œuvres grecques (par exemple, celles d’Aristote et de ses commentateurs). 4o La tradition latine est riche en éléments ou documents platoniciens: parmi les auteurs les plus lus citons, pour les chrétiens, Augustin et Boèce (début du Ve s.); pour les païens, Cicéron, Sénèque, Macrobe (Commentaire sur le Songe de Scipion , fin du IVe siècle). 5o À partir du XIIe siècle, les latins ont pu lire des ouvrages platoniciens ou platonisants traduits de l’arabe (Source de vie , du philosophe juif Salomon ibn Gabirol; Livre des causes , attribué à Aristote mais dépendant de Proclus; œuvres d’Avicenne). On notera que ces sources sont d’origines et de dates très diverses; que le platonisme originel en constitue la plus petite part; qu’on peut y distinguer un secteur théologique et un secteur philosophique; que dans ce dernier on peut encore distinguer, d’une part, des auteurs païens, de l’autre, des auteurs qui se réclament d’une religion révélée (judaïsme, christianisme, islam); enfin, que la liste qu’on a proposée pourrait être allongée. On voit que la bibliothèque platonicienne des médiévaux était incomplète, mais variée.

On peut distinguer quatre moments dans le platonisme médiéval. 1o Au IXe siècle, Jean Scot, qui a traduit Denys, mais aussi des textes de Maxime et de Grégoire de Nysse,est l’auteur d’un grandiose Periphyseon construit sur le schème néo-platonicien de la procession et du retour; œuvre unique à son époque. 2o Au XIIe siècle, le platonisme est en tous lieux (ainsi une lecture attentive d’Abélard fait rencontrer dans son œuvre des éléments évidemment platoniciens), mais il apparaît surtout chez des auteurs qui s’occupent de science et de philosophie à la fois, tels Adélhard de Bath, au début du siècle, et ceux qu’on rattache traditionnellement à l’«école de Chartres» (Bernard de Chartres, Thierry, Guillaume de Conches, Gilbert de La Porrée); chez des théologiens ouverts à la «lumière de l’Orient» (orientale lumen ), tel Guillaume de Saint-Thierry. 3o Plus tard, Aristote occulte Platon; mais, outre que c’est un Aristote bien multiforme, une théologie qui, comme la théologie chrétienne, postule une création dans le Verbe et, après l’exil terrestre, un retour à la «patrie» assuré par un Médiateur divin, reste parente du platonisme; enfin, Augustin et Denys sont des autorités théologiques de premier ordre, même pour Thomas d’Aquin, qui pourtant se démarque le plus possible des platoniciens. Aux XIIIe et XIVe siècles, plusieurs auteurs témoignent de la constante platonicienne, avec des nuances originales et diverses: ceux qui relèvent d’un courant franciscain, dont le plus grand représentant est Bonaventure; Albert le Grand, qui a un côté platonicien auquel on peut rattacher notamment Maître Eckhart (début du XIVe s.); François de Mayronnes, Henri de Gand, Jean Duns Scot... 4o La période ultérieure du platonisme médiéval s’ouvre déjà sur la Renaissance; entre Pétrarque, au XIVe siècle, et Marsile Ficin ou Pic de La Mirandole à la fin du XVe, il faut surtout citer Nicolas de Cues (1401-1464), grand lecteur des platoniciens anciens et médiévaux, et dont la philosophie doit beaucoup à Proclus (cf. R. Klibansky, The Continuity of the Platonic Tradition during the Middle Ages , Londres, 1939.)

Encyclopédie Universelle. 2012.

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